
Voici une nouvelle anecdote, qui pourrait être rangée à la lettre L ou C, c’est selon, dans l’abécédaire consacré aux maitresses vues par le petit bout de la lorgnette. En effet, pour le titre j’ai hésité: j’ai finalement choisi “La maitresse sentimentale” mais cela pourrait être aussi: “Comment arnaquer la petite souris”.
A vous de choisir! Et bien sûr, comme d’habitude, rien que de l’authentique et du vécu… Bonne lecture!
La maîtresse sentimentale
La maîtresse avait une bague qu’elle chérissait particulièrement. Oh rien d’extrêmement précieux, juste un anneau en argent serti de petits brillants et surmonté d’un petit losange en faux? vrai? ivoire – ça, elle ne l’avait jamais su. Non, toute sa valeur était sentimentale. C’était sa grand-mère qui la lui avait offerte pour ses seize ans, une bague ancienne, joliment rétro, une bague que sa grand-mère portait dans les années 30.
Un jour, alors que la maîtresse rentrait de récréation avec ses élèves, ce fut le gros choc: le petit morceau en vrai/faux ivoire avait disparu, laissant un trou à la place. Consternation totale: il avait en effet tendance à branler un peu ces derniers temps. Il avait dû tomber quand elle avait enlevé ses gants. Mais il était si petit, autant dire qu’elle ne le retrouverait jamais.
Au même instant, des cris retentirent du côté des portes-manteaux, une vraie foire d’empoigne entre quatre ou cinq garçons qui se ruaient à quatre pattes sur le carrelage.
L’instinct, l’intuition, appelez-ça comme vous voulez, mais la maîtresse sut presque instantanément de quoi il en retournait et son sang ne fit qu’un tour. Elle fendit l’attroupement juste à temps pour entendre:
“C’est quoi ce truc? Hé ! J’ai trouvé une dent!”
” Montre-là! Je veux voir!”
“Oh donne la moi! Tu crois que si je la mets sous mon oreiller, la petite souris viendra?”
“Mais ça va pas? La petite souris, elle est pas folle, elle verra bien que c’est pas ta dent! T’as même pas de trou dans ta bouche!”
La maîtresse leur tomba dessus comme une tornade: “Donnez-moi ça! Mais non, ce n’est pas une dent, n’importe quoi!” , tachant de contenir la petite voix indignée en elle qui hululait : “rendez-moi la bague de ma grand-mère, bas les pattes, vous allez finir par la perdre pour de bon!!!”
A regret, les garçons tendirent leur trophée et la maîtresse s’en empara dignement. ça, une dent? Non mais, n’importe quoi! Fin de l’incident, sujet clos. Et soupir de soulagement de la maîtresse, tout finissait pas si mal.
Un peu plus tard dans la journée, lorsque la maîtresse se retrouva seule, elle sortit de sa poche le petit morceau écru et la bague estropiée. Elle les considéra avec des yeux tendres mais lucides aussi, réalisant après coup tout le comique de la situation : SA bague adorée n’était que de la pacotille, la colle vieille de 80 ans avait fini par céder, et le petit morceau d’ivoire se révélait être juste du plastique ou de la résine. Dans le fond bien sûr, ça lui importait peu. Sa valeur n’avait jamais été là. Mais elle ne la remit plus jamais, à l’école tout au moins: trop peur que les enfants ne s’écrient: ” Oh mais c’est la dent qu’on avait trouvé!”